Début mars, le Ministère de l’Education nationale a lancé une grande enquête auprès des collégiens sur la question du harcèlement entre élèves. Avec les premières remontées de cette enquête, on commence à mesurer l’ampleur du phénomène. Aujourd’hui, il est créé un Conseil scientifique chargé de lutter contr […]

Actualités : Harcèlement, les bourreaux ne sont pas seulement ceux que l'on pointe du doigt...

Publiée le 31 mars 2011 dans la catégorie Archives


Début mars, le Ministère de l’Education nationale a lancé une grande enquête auprès des collégiens sur la question du harcèlement entre élèves. Avec les premières remontées de cette enquête, on commence à mesurer l’ampleur du phénomène. Aujourd’hui, il est créé un Conseil scientifique chargé de lutter contre le fléau. Il était temps ! On parle d’un élève sur dix qui serait quotidiennement harcelé par ses pairs. Prise entre peur et honte, la victime se tait. Mais le phénomène est loin d’être nouveau…

Danièle, 51 ans se souvient :
    « Nous étions en 4ème, dans un petit collège catholique privé de la région parisienne, à une époque où l’on ne parlait pas encore de banlieues difficiles… Des adolescents sans histoire, plutôt dociles, qu’un simple regard un peu noir du professeur suffisait à recadrer…
    Il y avait dans chaque classe ce qu’on nommait alors la « Tête de Turc ». Un dans chaque classe… C’était « normal ». Ça lui tombait dessus sans qu’il (ou elle) n’ait rien demandé, juste comme ça, parce qu’un peu trop sérieux, trop bon élève, trop ceci ou pas assez cela.
    Notre Tête de Turc cette année-là, c’était Jean-Yves, un garçon discret, peu communiquant, sans répondant. A force de moqueries, réflexions, bousculades et mauvais tours de la part tous, un jour, probablement à bout, il s’est jeté sur le meneur lors d’un inter-cours et la bagarre a éclaté. Pas à son avantage, bien sûr ; contrairement à son adversaire, il ne s’était sûrement jamais battu de sa vie.
    Là où l’histoire est terrible, c’est que pas un d’entre nous, filles et garçons, n’a rien fait pour s’interposer. Au contraire, nous avons formé un cercle autour des combattants et comme les autres, je me suis retrouvée à hurler : « vas-y, massacre-le, tue-le »… Nous étions comme une meute de loups à encourager le beau gosse de la classe, celui qui avait le capital-sympathie maximum auprès de tous, avec une hargne dans la voix que j’entends encore aujourd’hui.
    Un peu plus tard, lorsque j’ai repensé à ce qui s’était passé dans la journée, j’ai été horrifiée… Pas par la bagarre en elle-même, mais par mon attitude… Moi, Danièle, à qui ma mère disait toujours « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse »… Moi, Danièle, j’avais assisté à la mise en pièce de ce garçon sans chercher à faire entendre raison aux autres élèves pour qu’ils interviennent et pire, j’avais participé et crié comme eux… Et à cet instant précis, j’avais vraiment de la haine contre lui. Pourquoi ???!!! Il ne m’avait jamais rien fait !!! Qu’est-ce qui a fait que je me suis comportée de la sorte ? Le « simple » phénomène de groupe ou… Ou le vague sentiment que tant que la violence était tournée contre lui, j’étais à l’abri ?… »

Ceci pour dire qu'à côté du profil-type de harceleur, celui qu'on décrit facilement comme le meneur de classe, le gamin sans état d'âme ni empathie, qui affirme son image et puise sa force dans le désarroi qu'il inflige aux plus faibles, se trouvent tous les autres élèves. Aussi « gentils » qu'ils puissent paraître, ils reproduisent plus ou moins consciemment le comportement des meneurs. Et c'est peut-être sur ces derniers qu'il faudrait concentrer son attention ; cette petite violence qu’ils exercent, plus discrète, moins fréquente, mais multipliée par X élèves, est tout aussi destructive…

Caroline Proust


Pour aller plus loin sur le sujet : 
Harcèlement et brimabes entre élèves
La face cachée de la violence scolaire
de Jean-Pierre Bellon & Bertrand Gardette aux Editions Fabert

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