Claude Mesmin nous parle de son dernier ouvrage édité chez FABERT

Psychologue scolaire, clinicienne, maitre de conférences à l'Université de Paris V et de Paris VIII, Claude Mesmin est aussi coordinatrice au Centre universitaire d'aide psychologique aux familles migrantes, Université Paris VIII. Elle vient de publier avec Philippe Wallon : "Regards croisés sur les familles venues d'ailleurs" (ed. FABERT). Nous lui avons demandé de présenter son ouvrage.

"Ce livre montre qu’il est possible de prendre en charge et de penser autrement les enfants de migrants. Qu’il soit psychologue, pédiatre, psychiatre, pédopsychiatre, orthophoniste, chaque auteur* à sa manière, propose des solutions pour les aider. Tous ces migrants, jeunes et parents ont souffert d’avoir été vus porteurs d’un manque. Leur estime d’eux-mêmes s’est effondrée en même temps que leurs capacités à réussir.

La principale difficulté des enfants de migrants réside dans la cohabitation de leurs deux mondes alors que cultures et langues devraient être un enrichissement. Pourquoi devoir renier leur filiation et leur langue ? Comment accepter de vivre comme les autres enfants c’est-à-dire comme les autochtones vivent. Leurs difficultés ne viennent pas d’un trouble psychique ou un déficit particulier que leur origine porterait.

Ce livre contribue au démantèlement du modèle des déficits qui habite nos têtes et nos institutions. Selon ce modèle, les différences présentées par l’autre venu d’ailleurs apparaissent à de nombreux professionnels comme un déficit. Le but de ce livre est de montrer au psychologue, à l’enseignant, l’orthophoniste, le pédiatre, le juge et le travailleur social qu’ils peuvent esquisser un virage dans le parcours du jeune migrant et de sa famille. Il est possible d’inverser l’évolution délétère des relations parents/enfants et familles/institutions : même le psychologue - mandaté par le juge - a la faculté de lasser la spirale, d’essouffler l’asymétrie, d’instaurer de vrais dialogues.

Il s’agit de réduire le clivage entre les deux mondes de ces enfants de migrants, sinon, le risque est grand pour chacun d’eux de n’être accepté ni dans une culture ni dans une autre et de n’avoir d’autre recours que d’adhérer à un monde marginal. Nous pouvons tous y parvenir mais à une double condition rappelle Jean-Claude Métraux auteur de la préface : oser flirter avec les frontières séparant domaines de l’expertise et de la thérapie, voire les transgresser ; oser « tricher » avec nos usuels instruments d’évaluation.

En effet les tests psychologiques, constituent l’arme de prédilection des tenants d’une vision du monde où compétences et manques se comptabilisent. La chasse aux biais culturels nous impose dès lors de tricher tant avec l’esprit qu’avec la lettre de nos pratiques standardisées et simplificatrices d’évaluation. Et pour ce faire d’abonder en créativité et de trouver de nouvelles pratiques. C’est ce que démontre l’utilisation du stylo numérique qui analyse dans chaque dessin la dynamique du trait. Il apparait différent de tous les autres, non repérable sans le logiciel qui donne une analyse immédiate des résultats. Ce nouvel outil permet de comprendre plus rapidement des difficultés de l’enfant et de trouver une solution adaptée.

Ce livre aidera tous ceux qui sont confrontés dans leurs prises en charge à cette incompréhension qui pousse parfois à abandonner devant « l’autre » trop différent ou à lui proposer nos outils non-adaptés par méconnaissance d’autres techniques.

*Les auteurs : D. Barokas, M. Bossuroy, I. Broué, M-T. Couy, S.Dickens, R.Fauvernier, H. Romano, F. Rosenbaum, M-G.Soldati)

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