Débat : Revoir les règles de Parcoursup pour améliorer l’orientation des lycéens
Publiée le 06 octobre 2021 dans la catégorie Scolarité et orientations
En ces temps de rentrée universitaire, les bacheliers qui franchissent pour la première fois la porte d’un cours en amphi ou de travaux dirigés ont un point commun : pour s’inscrire en licence, tous sont passés par la procédure Parcoursup, qui recueille au printemps les vœux d’orientation des lycéens et distribue les places disponibles dans les différentes filières de l’enseignement supérieur.
C’est en 2018 que Parcoursup a remplacé la système Admission Post-Bac, en bute à de multiples critiques, suite au tirage au sort à l’entrée de certaines formations très demandées. Mais les premières sessions de cette nouvelle plate-forme ont été mouvementées également, et la procédure taxée d’opacité. La situation a-t-elle évolué en 2021 ?
D’après le bilan publié par le ministère, les choses rentreraient peu à peu dans l’ordre, « seuls » 239 candidats n’ayant pas trouvé chaussure à leur pied, cette année, soit presque deux fois moins qu’en 2020. Cependant, ce chiffre de 239 correspond aux candidats qui sont toujours accompagnés par une commission d’accès à l’enseignement supérieur fin septembre. Une aide que tous les déçus n’ont pas forcément sollicitée. Et, d’après un tableau de bord publié en juillet, plus de 22 000 lycéens et 8 291 étudiants en demande de réorientation auraient quitté la procédure sans y avoir eu la moindre proposition.
D’autre part, même parmi les jeunes qui ont décroché une inscription, un certain nombre ont témoigné de leur désarroi face à la longue attente qu’ils ont vécue entre l’enregistrement de leurs vœux et la confirmation de leur admission. Il importe donc de se pencher sur la « non hiérarchisation » des vœux par les candidats, présentée comme une différence avec Admission Post-Bac susceptible de régler les problèmes d’affectation. Peut-elle tenir ses promesses ?
Une procédure « non manipulable » ?
Revenons à la situation de départ. Il y a un certain nombre de bacheliers donné, un certain nombre de places dans les formations du supérieur, il convient alors d’affecter ces candidats à ces places. D’un côté, les candidats ont des projets, ou du moins des préférences, de l’autre côté les formations ont des critères d’admission. Pour résoudre cette problématique, Parcoursup s’appuie sur un algorithme.
Pour comprendre comment celui-ci fonctionne, il faut se pencher d’abord sur le modèle qui précédait Parcoursup : celui d’Admission Post-Bac (APB), qui s’appuie sur un système d’affectation obéissant à la procédure Gale-Shapley. Un système déjà expérimenté dans les années 1950 aux États-Unis pour affecter les internes en médecine aux hôpitaux du pays, en fonction des choix de chacun.
David Gale et Lloyd Shapley, mathématiciens, imaginèrent une procédure à la fois équitable, juste, non-manipulable et efficace, qu’ils comparent avec la constitution de mariages « stables ». Pour arriver à coup sûr à cette stabilité, la procédure Gale-Shapley veut que les hommes proposent, et que les femmes disposent. C’est-à-dire qu’elles acceptent ou refusent, cela se jouant en plusieurs tours. Les femmes peuvent accepter en attendant de trouver mieux.
Dans le cas d’APB, les formations allaient donc envoyer en plusieurs tours des propositions aux candidats, selon l’ordre dans lequel elles recevraient leurs demandes, puis ces candidats disposeraient. La procédure avait l’inconvénient d’être « inéquitable » dans le sens où un candidat pouvait voir passer sous son nez une admission dans une filière qui l’aurait préféré, mais qui, au fil des tours d’attente, avait déjà rempli ses capacités avec l’admission d’autres candidats peut-être moins méritants.
Certains optaient alors pour des stratégies afin d’optimiser leurs chances, comme ne pas forcément mettre la filière sélective dont ils rêvaient en premier choix, de peur d’y être refusés face aux dossiers de leurs concurrents, sans avoir assuré leurs arrières dans une formation plus accessible et qui leur plaisait aussi. Voilà en quoi la procédure devenait « manipulable ».
Jusqu’ici, ces explications se basent sur des exemples simplifiés. S’il y a trop d’élèves par rapport aux places, certains se retrouvent sans affectation, et vice-versa. La procédure Gale-Shapley constitue le modèle sur lequel reposa APB en France de 2009 à 2017, à quelques nuances près. C’est également peu ou prou le modèle sur lequel repose Parcoursup, si l’on omet la non-hiérarchisation des vœux par le candidat, qui va en fait marquer une rupture franche.
Une entorse majeure
Sur Parcoursup, les candidats opèrent ainsi leurs choix sans les classer par ordre de préférence. Les formations doivent ensuite les classer, et renvoient aux étudiants une réponse parmi les suivantes : « oui », « non » (uniquement pour les formations sélectives), ou placement sur liste d’attente. La spécificité de Parcoursup, ce sont justement ces listes d’attentes, ils disent combien l’évolution de leurs rangs et leur suivi dans ces listes occupe une place prépondérante dans leurs esprits ainsi que dans leur quotidien.
En n’obligeant plus le candidat à hiérarchiser ses candidatures par ordre de préférence, Parcoursup s’affranchit de la dimension « manipulable » d’APB. Pour autant, le problème de l’insatisfaction n’est pas résolu, car l’attente à laquelle Parcoursup oblige peut amener bon nombre de candidats à accepter puis s’inscrire dans une formation qui n’entrait initialement pas dans leurs plans. Et cette même non-hiérarchisation incite plus facilement les candidats à formuler plus de vœux, d’où de plus longs délais de traitement.
Ce principe de non-hiérarchisation des vœux paraît pourtant, à première vue, plutôt intéressant pour offrir un délai de réflexion au candidat et alléger la charge mentale du candidat par rapport à toutes les questions qu’il doit déjà gérer à cette étape de sa scolarité. C’est néanmoins indéniablement cette spécificité qui rend la procédure particulièrement longue, en faisant donc une facette de stress supplémentaire. Avec APB, les candidats obtenaient leurs résultats lors de dates prédéfinies.
Comme les vœux en deçà de la première proposition d’admission étaient automatiquement supprimés, il n’y avait pas de doublons et la procédure était particulièrement accélérée. Les horizons temporels du lycéen étaient moins diffus, plus bornés.
Pour conserver les avantages sans en revenir aux inconvénients, on pourrait revenir à un classement des vœux, mais en réservant une période exclusive pour le faire. Par exemple, le candidat pourrait, dans un premier temps, formuler ses candidatures sans les classer, puis, avant la réception des vœux, hiérarchiser ses vœux sans pouvoir en rajouter, afin de consacrer cette étape uniquement à ce travail de réflexion.
Enfin, il faut rappeler que Parcoursup s’inscrit dans un contexte de paupérisation des places dans les filières de l’enseignement supérieur que pourraient résoudre des investissements en postes d’enseignement et en locaux. Alors, ces débats et propositions sur les algorithmes n’auraient pas même lieu d’être et cela soulagerait bon nombre de candidats et de personnels d’une charge considérable de travail et d’anxiété.
Alban Mizzi, Doctorant en sociologie, Université de Bordeaux
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
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