La chronique d'Yveline Jaboin : Avril 2010 -Les fins de carrière chez les enseignants
Publiée le 01 mai 2010 dans la catégorie Archives
Actuellement, avec la progression de l’espérance de vie moyenne, l’allongement de la vie professionnelle est envisagé pour assurer à long terme l’équilibre des régimes de retraites. Déjà, les lois de 1993 (pour le secteur privé) et de 2003 ont eu pour effet un accroissement des années de cotisation pour atteindre un taux plein en matière de pension.
Dans le débat actuel sur l’allongement des carrières professionnelles et l’âge de départ à la retraite, une recherche, se situant dans le champ de l’ergonomie*, étudie les fins de carrière chez les enseignants, les enjeux du travail et de santé que cette période comporte. Basés sur une série d’entretiens semi-directifs réalisés en 2008-2009, les résultats permettent de mieux cerner les difficultés spécifiques des métiers de l’enseignement par niveau et les formes de pénibilité qui y sont associées.
Les enseignantes de maternelle interrogées sont fatiguées par les postures qu’impose le travail auprès de la petite enfance. Elles se plaignent de la fatigue nerveuse – qui s’accentue avec l’âge - résultant des rapports avec les enfants, les parents, mais aussi de l’évolution institutionnelle du métier, c’est-à-dire des tâches s’ajoutant à la fonction d’enseignement face aux élèves. Les fins de carrière apparaissent entachées de rancœur et de difficultés à faire valoir une façon particulière d’enseigner, autrement dit la spécificité du métier à ce niveau d’enseignement.
Dans l’enseignement élémentaire, les enseignants ressentent un stress important, encore plus sensible en fin de carrière. Il résulte essentiellement d’une surcharge de travail liée à la multiplication des matières à enseigner dans un temps de travail de plus en plus réduit, d’une prise en charge de plus en plus importante des élèves en grande difficulté scolaire dans le cadre de la classe, du temps de correction qui déborde largement les heures scolaires, ce qui est vécu comme épuisant.
En collège, le métier est jugé très « sollicitant nerveusement ». Si la majorité des enseignants travaillent jusqu’à 60 ans, en fin de carrière, ils procèdent à un certain nombre d’aménagements de leur activité professionnelle. En lycée, les enseignants attribuent l’importance de leur stress à la lourdeur de leur charge de travail et à une fatigue en liaison avec les préparations mais surtout les corrections des copies. En fin de carrière, cette dernière contrainte est ressentie encore plus durement « comme si le seuil de tolérance à l’emprise du travail personnel sur la sphère privée diminuait ». En revanche, l’épuisement professionnel, le « burnout », semble moins prononcé qu’en collège.
Au total, quel que soit le niveau d’enseignement, des frustrations concernant le cadre institutionnel s’expriment. Le sentiment d’un déficit de reconnaissance du travail effectué - et plus largement du métier - domine. Il est à l’origine de découragement, voire de souffrance, ce qui est particulièrement perceptible en deuxième moitié de carrière. Reste à savoir si une comparaison avec une approche ergonomique menée il y a quelques dizaines d’années n’aurait pas permis de dégager quelques invariants dans les phénomènes « d’usure » chez les enseignants !
* Cau-Bareille, D. (2009). Vécu du travail et santé des enseignants en fin de carrière : une approche ergonomique. Rapport de recherche, Centre d’Etudes et de l’Emploi, 64 p.
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