La chronique d'Yveline Jaboin : Février 2010 - De l'innovation à l'expérimentation pédagogique
Publiée le 01 mars 2010 dans la catégorie Archives
Depuis toujours, de nombreux enseignants développent des démarches personnelles d’innovation pédagogique pour dynamiser leur pratique professionnelle dans l’objectif de favoriser une meilleure réussite scolaire de leurs élèves. Depuis une dizaine d’années, le ministère s’est lancé dans le recensement et la valorisation des actions ainsi entreprises. Puis, en 2005, l’innovation pédagogique a été élevée au rang de nécessité pour faire réussir tous les élèves. Dans l’article 34 de la loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005, il est clairement donné aux enseignants le « droit » à mettre en place des pratiques innovantes et à expérimenter. Les enseignants doivent donc concevoir des projets d’expérimentation pédagogique dans le cadre du projet d’établissement. Chaque projet, d’une durée maximale de 5 ans, doit avoir des objectifs clairement définis par une équipe. L’expérimentation est évaluée chaque année.
Depuis 2006, les projets expérimentaux élaborés par les équipes pédagogiques des écoles, collèges et lycées sont mis en ligne sur le site du ministère dans la rubrique « Bibliothèque des expérimentations pédagogiques » (1). Ces projets sont enregistrés au fil de leur création. Des descriptifs synthétiques des objectifs et des modalités de mise en œuvre, des monographies plus fouillées rédigées par des équipes pédagogiques, des travaux d'élèves ou d'enseignants ou des bilans plus officiels rédigés par les responsables académiques en charge du dossier peuvent être consultés selon un classement par thème, niveau ou année.
Il est certain que l’expérimentation pédagogique offre aux enseignants des opportunités pour partager des réflexions et des ressources pédagogiques. Elle permet également de développer le goût du travail en équipe et du développement professionnel. Néanmoins, les innovations sont rarement transférables dans un autre contexte. Comme l’indique une recherche récemment menée par une équipe de l’INRP (2009) (2), « ce qui est transférable, c’est la capacité d’adaptation aux changements – une faculté tant individuelle que collective – qu’exige une société en constante évolution ». Par ailleurs, on sait, depuis de nombreuses années, qu’il ne suffit pas d’innover pour démocratiser l’enseignement. Ainsi, dès les années 1980, Gabriel Langouët (1983) montrait que loin de réduire les écarts sociaux de réussite entre les élèves, l’introduction de la technologie éducative dans l’enseignement contribuait à les accroître. Puis, analysant les effets de l’expérience d’innovation pédagogique conduite dans des collèges expérimentaux par une équipe de l’INRP (Langouët 1985), il rendait compte d’une amélioration globale du rendement scolaire (accroissement du flux d’élèves parvenant en seconde) contrebalancé par un accroissement de l’inégalité sociale.
Comme le souligne Gabriel Langouët, le système traditionnel est porteur d’énormes inégalités devant l’enseignement. Mais, l’expérimentation pédagogique n’est pas forcément synonyme de démocratisation, notamment lorsqu’elle ne comporte pas une transformation des rapports sociaux à l’œuvre dans les pratiques enseignantes.
(1) http://applications.eduscol.education.fr/D0216F/bdd_accueil.php
(2) Delahaye, C., Derouet-Besson, M-C. & Godinet H. (2009). Observer l’innovation, un cas d’école innovante. Paris : INRP.
(3) Langouët, G. (1982). Technologie de l'éducation et démocratisation de l'enseignement. Paris : PUF ; (1985). Suffit-il d’innover ? Paris : PUF.
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