La chronique d'Yveline Jaboin : Le travail enseignant en quête de sens
Publiée le 01 juin 2011 dans la catégorie Archives
De nos jours, l’école est l’objet de très fortes attentes sociales, d’une montée des injonctions institutionnelles en même temps que le corps enseignant se renouvelle et que les connaissances évoluent. Sous ces pressions diverses, qu’en est-il du travail enseignant dans le premier degré ? Comment se transforme t-il de la maternelle au CM2 ? Quelles en sont les sources de satisfaction, les difficultés, les obstacles ? Telles sont les questions auxquelles une enquête, réalisée en avril-mai 2011 (1), tente de répondre en « donnant la parole » à environ 6500 professeurs des écoles.
Tout d’abord, il ressort de cette enquête une coupure entre l’exercice quotidien du métier et l’administration de l’Education nationale. Une très large majorité des professeurs des écoles estime s’épanouir dans le métier, les enseignants de moins de 30 ans encore plus que leurs aînés. Tous plébiscitent la polyvalence, le plaisir d’enseigner à des enfants, de les voir progresser, évoluer, l’esprit d’équipe régnant souvent dans les écoles. Le métier apporte donc des satisfactions au quotidien, que ce soit dans la vie de l'école ou bien dans le travail réalisé. En revanche, l’accroissement des demandes institutionnelles – souvent ressenties comme des contraintes et/ou encore comme parfois incohérentes et « toujours dans l’urgence » - brouillent le sens du travail. À ce propos, Françoise Lantheaume (2) évoque l'ambivalence des attentes envers les professeurs, entre la transmission des connaissances, la socialisation et la construction d'un « service rendu » à la personne. Pour elle, la profession est vécue comme incertaine par manque de repères fiables et solides. Cette situation professionnelle engendrant une intensification du travail, il s’ensuit souvent un sur-engagement professionnel qui, selon les professeurs des écoles, se fait au détriment de leur vie personnelle et familiale.
Par ailleurs, deux aspects du métier sont particulièrement sources de difficultés pour une grande partie des enseignants : l’intégration des élèves en situation de handicap - notamment en raison d’un manque d’auxiliaires de vie scolaire (AVS) - et l’hétérogénéité des élèves dans des classes surchargées et/ou à cours multiples, ces conditions d’exercice permettant difficilement de mettre en oeuvre une pédagogie différenciée.
Selon la plupart des professeurs des écoles, les effectifs sont encore plus chargés en maternelle qu’en élémentaire. Ils déplorent également la multiplication des documents à remplir – les directeurs et les directrices de façon encore plus sensible - et le manque de temps pour exercer correctement leur métier. C’est notamment le manque de temps « pour s'occuper des élèves en difficulté pendant la classe » qui préoccupe la quasi totalité des enseignants suivi, pour les plus jeunes, par « le manque de temps pour enseigner les programmes » et pour leurs autres collègues, par « le manque de temps pour rencontrer les différents partenaires ». En conséquence, de nombreux professeurs des écoles dénoncent un rythme professionnel effréné engendrant un stress au travail, une fatigue voire un épuisement, ce qui s’accompagne d’une culpabilité vis-à-vis des élèves qui ne sont plus toujours leur principale préoccupation. Enfin, les enseignants du premier degré ne sont pas satisfaits de la manière dont on les évalue. Ils demandent de l’aide pour un travail difficile au quotidien plus que du contrôle.
Eu égard à cet état des lieux, il semble bien qu’une réflexion sur l’organisation du travail enseignant « en manque de boussole » - associant des chercheurs spécialistes de l’analyse du travail – soit nécessaire.
(1) Le travail en quête de sens ? Donner votre avis. SNUIPP, Enquête « Métier d’enseignant ». 19 mai 2011. 11 p. Site http://www.snuipp.fr
(2) (3) http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2011/05/20Letravaildisseque.aspx
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