La chronique d'Yveline Jaboin : Les effets de la concurrence scolaire
Publiée le 01 novembre 2010 dans la catégorie Archives
L’essor de la concurrence entre établissements et le déficit de régulation politique sont également analysés dans un ouvrage collectif intitulé « Ecole : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l’école française » (2). Les recherches présentées dans cet ouvrage montrent, entre autres, les effets des mesures d’assouplissement de la carte scolaire depuis 2007 et, en conséquence, les effets du « libre » choix de l’école par les parents. Ces derniers vont à l’encontre des objectifs fixés par les politiques éducatives actuelles : la concurrence entre établissements ne semble pas créer une émulation favorisant l’élévation des performances des élèves.
Selon les auteurs, l’autorisation large des dérogations intensifie les perturbations dans des zones urbaines où les établissements se différencient déjà en termes de recrutement social et de résultats : « partout où la concurrence creuse les disparités entre établissements, les difficultés des élèves se multiplient ; et pas seulement dans les ‘ghettos’». De nombreux établissements – sans aide appropriée – ont des difficultés à assurer leurs missions auprès des élèves : « l’insuffisance des réponses aux difficultés des élèves constitue une des sources principales des perturbations repérées ». L’autonomie locale s’apparente au « débrouillez-vous », la plupart des établissements résolvant « en autonomie » les problèmes qu’ils rencontrent. Très majoritairement, les rectorats et les inspections académiques relaient simplement, sous forme d’injonctions, les objectifs fixés au plan national. La hiérarchie attend de l’échelon local « l’essentiel des efforts d’ajustement », les professionnels de terrain étant considérés comme les mieux placés pour trouver des solutions aux problèmes qui se posent. Or, ces personnels sont rarement en mesure de prendre en charge des situations problématiques résultant de « processus cumulatifs », nécessitant le soutien de tous les échelons hiérarchiques et « une réflexion sur les méthodes à adopter ».
Inversement, les meilleurs résultats s’observent là où des coopérations durables favorisent des continuités éducatives et des pratiques cohérentes. Mais, ces dynamiques sont bien souvent fragiles et éphémères, car là aussi, le soutien institutionnel semble faire fréquemment défaut.
Face à cette situation, selon les auteurs, ce n’est pas simplement un accroissement des moyens qu’il faut envisager. À l’instar d’autres pays comme la Finlande, pour « reconstruire » le système scolaire français, il serait nécessaire de faire appel à des professionnels « aux compétences complémentaires » et de mettre en place des dispositifs permettant une régulation rapide des difficultés rencontrées au sein d’un établissement scolaire.
(1) Mallet, F ., Cuisinier, J-F., Hédoin, J-P. (2010). Synthèse des notes des correspondants académiques de l’AGAENR relatives à la préparation de la rentrée scolaire 2010. Rapport n° 2010-095. Ministère de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la Recherche.
(2) Broccolichi, S., Ben Ayed, C. & Trancart, D. (2010). Ecole : les pièges de la concurrence. Comprendre le déclin de l’école française. Paris : La Découverte.
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