Dans le premier degré, en raison de la forte féminisation, la profession enseignante peut apparaître comme un « métier de femmes », érigeant des « qualités » de genre – c’est-à-dire des dispositions socialement construites comme féminines ou masculines - en compétences professio […]

La chronique d'Yveline Jaboin : Les trajectoires professionnelles des hommes et des femmes dans le premier degré

Publiée le 01 février 2011 dans la catégorie Archives

  
   Dans le premier degré, en raison de la forte féminisation, la profession enseignante peut apparaître comme un « métier de femmes », érigeant des « qualités » de genre – c’est-à-dire des dispositions socialement construites comme féminines ou masculines - en compétences professionnelles. Mais, dans l’enseignement primaire, la féminisation n’est pas homogène. Le secteur d’exercice (enseignement préscolaire, élémentaire et spécialisé) apparaît comme un facteur discriminant. Au début du XXIe siècle, les hommes représentent environ 20% du personnel enseignant dans le premier degré public. Mais, leur représentation, de quasi marginale à l’école maternelle (7%), s’élève à environ un quart des effectifs (26%) à l’école élémentaire pour atteindre environ un tiers de ceux-ci dans l’enseignement spécialisé constitué par le secteur de l’Adaptation et de la Scolarisation des élèves en situation de Handicap (ASH). Au sein de l’ASH, dans les enseignements adaptés du second degré (EGPA) - comprenant les Sections d’Enseignement Général et Professionnel Adapté (SEGPA) et les Établissements Régionaux d’Enseignement Adapté (ÉREA) - les hommes forment la moitié des instituteurs-trices et des professeur-e-s des écoles exerçant (50,4%)  auprès d’un public scolaire « en grande difficulté scolaire et/ou sociale ».
   Ainsi, lors de l’accès à la profession , les femmes désirent plus souvent que les hommes enseigner indifféremment à l’école élémentaire ou à l’école maternelle, ou uniquement dans l’enseignement préscolaire, ce qu’elles ont concrétisé dans leurs parcours professionnels. Les enseignantes en milieu et surtout en fin de carrière recherchent les postes d’enseignement « mono niveau » à l’école maternelle. En revanche, les hommes désirent exceptionnellement exercer dans l’enseignement préscolaire. Leurs souhaits de carrière et/ou leurs carrières font apparaître une attraction vers l’enseignement élémentaire – notamment vers le cycle 3 (vers le CE2 mais surtout le CM1 et le CM2) et/ou vers des postes de direction ou d’encadrement pédagogique, qui constituent pour eux une finalité professionnelle. À ce titre, les enseignements adaptés du second degré leur permettent, selon un processus classique, d’accéder à une fonction d’encadrement socialement valorisée dans le second degré (la direction d’un ÉREA ou d’une SEGPA, cette dernière conférant le statut de principal adjoint de collège) au terme d’une ascension sociale et d’une promotion interne à l’Éducation nationale.
   Par conséquent, les stratégies de carrière des enseignant-e-s du premier degré - entré-e-s dans le métier dans les années 1970-1980 - sont en grande partie influencées par des stéréotypes de genre. L’élève « idéal » des hommes semble être un adolescent  « en grande difficulté scolaire et/ou sociale », scolarisé dans un établissement du second degré (un collège avec une SEGPA ou un ÉREA), l’élève « idéal » des femmes un enfant scolarisé à l’école maternelle. Donner une meilleure visibilité aux rapports sociaux de sexe dans l’enseignement du premier degré peut contribuer à la sensibilisation de ses différents acteurs et actrices aux enjeux sociaux de leurs pratiques et au passage d’une égalité formelle à une égalité de fait entre les femmes et les hommes dans le système éducatif.
 

1  Procoppe, A. (2002). Les instituteurs et professeurs des écoles du secteur public à la rentrée 2000. Note d’information, n°02.29, p. 1-6.
2  Ces résultats sont issus d’une enquête - en cours de traitement - basée sur 155 entretiens semi-directifs menés auprès des enseignant-e-s du premier degré exerçant dans le Finistère entre 2005 et 2007.
 3  Dans les EGPA, 65,4 % des élèves sont des garçons (MEN-DEPP. (2009). Repères et références statistiques sur les enseignements et la formation, édition 2009, p. 129).

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