La chronique d'Yveline Jaboin : Mars 2010 - Les violences scolaires

 
En ce début d’année, divers incidents graves mettent, une fois de plus, au-devant de la scène le problème des violences scolaires. Certes, ces violences ont toujours existé. Mais, selon  Claude Lelièvre (1), depuis deux décennies, elles ont pris la forme d’un problème majeur, le plus souvent considéré comme touchant les établissements de la « périphérie », donc les établissements à la « marge »  du système scolaire. Or, tous les établissements peuvent y être confrontés, les violences scolaires résultant souvent, selon Eric Debarbieux (2), d’un cumul de facteurs de risques : problèmes familiaux, difficultés psychologiques, fréquentation de délinquants, effectifs des établissements et des classes, organisation de la vie des établissements, revendications ethniques ou religieuses, etc.

Actuellement, sont disponibles des statistiques recensant les signalements fournis par les chefs d’établissement, mais celles-ci varient selon les sensibilités locales et les injonctions ministérielles. De plus, comme l’écrit Vincent Troger (3), le simple fait de recenser les violences scolaires a logiquement donné le sentiment qu’elles augmentaient. Or, chaque époque engendre ses propres formes de violences scolaires et « la société y réagit à chaque fois en fonction de valeurs et de critères qui eux-mêmes évoluent ». Les travaux d’Eric Debarbieux montrent qu’aujourd’hui elles sont moins fréquentes mais plus graves qu’autrefois. Et, tous les pays du monde sont concernés.

Du côté gouvernemental, la lutte contre les violences scolaires s’est clairement engagée sur la voie de la sanctuarisation des établissements scolaires avec une montée en puissance des mesures allant dans ce sens au cours de l’année 2010. Ainsi, le ministre de l’Education, Luc Chatel, a annoncé, le 1er février 2010, l’accélération de la mise en place d’équipes mixtes, composées de personnels de l’Education nationale et de policiers ou de gendarmes. Dans certaines régions, ces « équipes mobiles de sécurité académiques » sont  déjà opérationnelles ou en cours d’installation. Des diagnostics de sécurité dans les collèges et lycées devraient déboucher sur la mise en place d’une surveillance aux abords des établissements, ou bien sur l’installation de clôtures, ou encore d’une vidéoprotection, et exceptionnellement sur la mise en place de portiques de sécurité. Parallèlement, il est également prévu que le calendrier de formation des personnels d’encadrement à la gestion de crise soit accéléré afin que tous les personnels de direction des établissements scolaires soient formés le plus rapidement possible.

Du côté des personnels de direction des établissements scolaires, toutes ces précautions ne sont pas forcément considérées comme suffisantes dans la lutte contre les violences scolaires (4). Ainsi, de même qu’Eric Debarbieux et son équipe le mettaient déjà en évidence en 2006, la stabilité des équipes pédagogiques et la qualité des relations humaines (solidarité et bienveillance) au sein d’un établissement scolaire apparaissent essentielles. Développer un climat de confiance est fondamental pour désamorcer efficacement les violences scolaires. Il semble donc que les « Etats Généraux de la sécurité à l’école » - prévus début avril – puissent difficilement apporter des éléments de réponse efficaces si  le problème des violences scolaires est abordé sans tenir compte de la dégradation actuelle des conditions de travail des équipes pédagogiques.

(1) Lelièvre, Claude. (2009). L’émergence du problème des violences scolaires (www. mediapart.fr/club/blog/claude-lelievre/191109/l-emergence-du-probleme-des-violences-scolaires)
(2) Debarbieux, Eric. (2006). Violence à l’école : un défi mondial ? Paris : Armand Colin.
(3) Troger, Vincent (2006). La violence scolaire. Sciences humaines, n° 172 (Article de la rubrique  « Le point sur… »).

(4) www.lexpress.fr/actualite/societe/education/violence-a-l-ecole-trois-proviseurs-racontent