Le point de vue de Gabriel Langouët : La carte scolaire aujourd'hui (Novembre 2009)
Publiée le 02 janvier 2010 dans la catégorie Archives
Elle est née au cours d’une période marquée par un double bouleversement, à la fois scolaire et social : « explosion scolaire » des années 1960 avec, notamment, un développement sans précédent des collèges, puis, une vingtaine d’années plus tard, des lycées ; forte urbanisation des villes, liée au développement du secteur industriel et du secteur tertiaire et entraînant une désertification rurale importante mais aussi l’utilisation massive d’une main d’œuvre d’origine étrangère à des travailleurs d’origine étrangère et la mise en place de logements sociaux souvent implantés à la hâte et de façon anachronique : cités-dortoirs, tours et barres, etc. Il est clair que, dans les zones géographiques fortement urbanisées, notamment autour de la capitale ou des grandes capitales régionales, la carte scolaire et la carte sociale se superposent quasi exactement, d’autant plus que le logement social s’est essentiellement développé dans les villes déjà plus populaires et que les villes plus bourgeoises se sont gardées de construire du logement social selon les normes de la loi, payant pour s’exonérer de son application. A l’inverse, les collèges proposés correspondaient à des types et des capacités d’accueil précisément définis (le collège type « Pailleron » de sinistre mémoire – dans le 19e, à Paris, il a brûlé et entraîné de nombreuses victimes – pouvait être livré pour 600, 900 ou 1200 élèves) : les petites structures ont été généralement retenues pour les populations « d’en haut » ou les zones pavillonnaires, les grosses pour celles « d’en bas », des tours ou des barres.
Mise en place dans un cadre politique fortement centralisé, la carte scolaire se voulait ouvertement un outil de planification de la scolarisation des jeunes. Ce n’est donc pas un hasard si l’un des premiers rapports concernant la carte scolaire, et écrit par Lucie Tanguy, portait ce titre : La carte scolaire, instrument d’une politique d’Etat. Il montrait en quoi cette carte était sociale et mettait en évidence des inégalités très fortes entre des établissements ayant théoriquement les mêmes fonctions d’enseignement.
Le débat sur cette carte perdure depuis les années soixante et ressurgit notamment à chaque campagne présidentielle. Cela fut encore le cas en 2007 avec l’un des candidats principaux qui prônait sa suppression et l’autre son assouplissement. Voici ce que j’écrivais à ce propos dans un livre paru peu après (LANGOUET, G., 50 ans d’école. Et demain ? Paris, Fabert, 2008) :
Beaucoup d’ouvrages ont traité ou traitent de la carte scolaire. Parmi les plus récents, l’un d’eux (BEN AYED, C., Carte scolaire et Marché scolaire, Nantes, Editions du temps, 2009) présente notamment l’avantage de proposer des solutions concernant ces territoires particulièrement délaissés voire abandonnés. Citons-en quelques courts extraits :
Une politique ambitieuse de requalification de la scolarité dans ces territoires ne peut faire l’économie d’une stabilisation des équipes à tous les niveaux de la chaîne hiérarchique. Elle ne peut pas non plus faire l’impasse sur la question de la formation des enseignants, en particulier sur la conception de dispositifs de sensibilisation à l’enseignement en « milieu difficile »… La requalification des écoles situées dans les quartiers urbains relégués supposerait également des apports supplémentaires en moyens d’enseignement, afin que l’éducation prioritaire ne soit plus un leurre… Une amélioration des conditions de scolarisation ne peut néanmoins découler mécaniquement de l’adjonction de moyens supplémentaires, elle suppose également des avancées significatives dans la prise en charge des élèves hors et dans le temps scolaire. Ceci suppose un engagement conjoint des associations complémentaires de l’école qui contribuent à tisser du lien social dans les quartiers et à soutenir également les élèves en difficulté ainsi que leurs familles. Op. cité, p. 133.
Bref, tout faire pour combattre l’échec scolaire avant même qu’il ne s’installe. Nous en sommes loin.
Gabriel LANGOUET
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