C’est à la fin des années 70 que la plupart des pays développés va prendre conscience du problème que pose l’illettrisme, mais lorsqu’en 1979 la Commission de la Communauté Européenne lance une grande enquête sur le sujet, la France prétendra ne pas être concernée. Il faudra attendre 1984 pour qu’un rapp […]

Mars 2010 : L'illettrisme : un fléau qui perdure

Publiée le 30 septembre 2009 dans la catégorie Archives


C’est à la fin des années 70 que la plupart des pays développés va prendre conscience du problème que pose l’illettrisme, mais lorsqu’en 1979 la Commission de la Communauté Européenne lance une grande enquête sur le sujet, la France prétendra ne pas être concernée.
Il faudra attendre 1984 pour qu’un rapport officiel d’ATD Quart-Monde remis au 1er ministre de l’époque prouve qu’au 
contraire, le problème existe bel et bien, que non seulement il y aurait environ deux millions de français analphabètes mais un nombre encore plus important de personnes illettrées.
Devant l’ampleur de la situation, sera créé cette même année le GPLI (Groupe Permanent de Lutte contre l’Illettrisme), dont les deux principaux objectifs seront de prévenir l’illettrisme et de développer une formation personnalisée afin de faciliter l’insertion de ses personnes dans la vie socio-professionnelle. De multiples actions venues d’horizons divers vont également se développer.
A la fin des années 80, malgré les difficultés à évaluer précisément la situation, les chiffres annoncés par le gouvernement font état de 6 500 000 illettrés. Les personnes concernées sont pour plus de la moitié françaises, les autres étant des immigrés de longue date ou de la deuxième génération.
Les enquêtes de l’INSEE :
En 1993/94 , l’enquête Information Vie quotidienne (IVQ) conduite par l’INSEE portant sur 13 000 ménages révélait que 5,4 % des adultes étaient concernés par l’illettrisme soit 2,3 millions sur l’ensemble de la population française.
En 2004, la même enquête établissait que 3 100 000 personnes, soit 9 % de la population âgée de 18 à 65 ans (résidant en France métropolitaine et ayant été scolarisée en France) étaient concernées par l’illettrisme.
En 2006, les résultats étaient stables avec toujours ce chiffre de 9 % des 18-65 ans, soit environ 5 % de la population globale.
Les « 3 jours » puis les JAPD :
En 1994, les 60 000 tests réalisés par l’armée lors des « 3 jours » montraient que 8% des jeunes appelés ne savaient ni lire ni écrire et 12 % lisaient juste des phrases simples.
En 2000/2001 : ce sont 562 943 jeunes, garçons (322 802) et filles (240 141) qui étaient évalués grâce aux tests passés lors de laJournée d’Appel de Préparation à la Défense. Il en ressortait qu’au terme de l’épreuve A portant sur l’évaluation des compétences de base, 6,4 % de ces jeunes étaient repérés en situation d’illettrisme, répartis de la manière suivante : 8,4 % de garçons et 4 % de filles.
En 2005, 9,5% des participants constituaient un groupe de lecteurs médiocres dont une partie était susceptible de perdre son peu d'acquis une fois sortie du système scolaire.
En 2008, ces mêmes évaluations de la JAPD, estimaient que la proportion de jeunes en difficulté de lecture en métropole était de 11,8 %, dont 4,9 % en grave difficulté de lecture (ces graves difficultés de lecture s’apparentant à une situation d’illettrisme).
Mais que fait-on Rue de Grenelle ?
On s’insurge, bien sûr, et chaque Ministre espère secrètement être celui qui résoudra le problème, alors on jette des idées, on teste, on applique, on efface tout et on recommence, on innove, puis, marche arrière : on en revient aux bonnes vieilles méthodes, « celles qui ont fait leurs preuves »…
Petit historique de ces 25 dernières années
Jean-Pierre Chevènement (1984 - 1986) : pour lui, l'illettrisme ne concerne pas réellement l'école, même s'il dit vouloir concentrer les efforts de l’école primaire sur le « lire, écrire, compter » .
René Monory (1986 - 1988) se dit « pleinement conscient de la gravité du phénomène qui affecte une partie non négligeable de la population française ». « La meilleure façon de réduire l'illettrisme, c'est de le tarir à la source ». Pour lui, l'école doit veiller tout particulièrement à stimuler les enfants issus de milieux socio-culturels moins favorisés. Il préconise le développement de la pré-scolarisation et la mise en oeuvre d'une pédagogie différenciée en fonction de la diversité des besoins.
Lionel Jospin (1988 - 1992) : suite au rapport de Michel Migeon, ancien recteur de Lille estimant qu’au moins « 20% d’élèves ne savent pas lire en sixième », il lance des évaluations et met en place des « Missions Lecture ».
Jack Lang (1992 - 1993)  présente un « plan pour la lecture » déclarant que celle-ci doit être un apprentissage continu et ne doit pas se résumer à un enchaînement d’activités répétitives et mécaniques. Il écarte par ailleurs tout débat sur les méthodes, qu’elles soient syllabiques, globales ou mixtes.
François Bayrou (1993 - 1997) : jusqu'alors président du GPLI, on attend beaucoup de lui. Jugeant inacceptable qu’un enfant ne sache pas lire en sortant de l’école, il souhaite renforcer, dès la maternelle, «la détection des problèmes et des handicaps» et recenser de manière rapide et systématique les «méthodes qui marchent », s’appuyant sur les pratiques des enseignants qui obtiennent de bons résultats. Il ne réussira pas mieux que ses prédécesseurs.
Claude Allègre (1997 - 2000) rappelle que 17 % des élèves entrant en sixième sont « en grande difficulté » et conclut à la nécessité d'imposer à l'école « une vraie culture de l'évaluation ». Ségolène Royal, ministre déléguée à l'Enseignement scolaire, lance un audit sur le collège.
Jack Lang (2000 - 2002) : lors de son 2nd passage au ministère, il annonce qu’il ne veut pas « imposer à l'école une réforme de plus », mais que sa première priorité sera la lutte contre l'échec scolaire. « Il faut que chaque fois qu'un enfant perd pied, il puisse trouver des cordes de rappel », expliquait-il alors…
Luc Ferry (2002 - 2004) avait placé la lutte contre l’illettrisme en tête de liste des 6 chantiers prioritaires, avec la « mise en place d’un plan de détection », d’une « prise en charge améliorée des pathologies plus ou moins lourdes » et enfin la poursuite du travail de soutien hors temps scolaire. Il prévoyait également diverses expérimentations, telle un accompagnement encore plus individualisé des élèves, et cela dès les premières années de scolarité.
François Fillon (2004 - 2005) : « La pire des exclusions, c’est l’illettrisme, c’est l’absence de maîtrise des fondamentaux, c’est l’impossibilité, à partir de là, de se construire une perspective professionnelle et sociale solide », déclare t-il. Lors de la rentrée scolaire 2004, il annonce le renforcement des dispositifs de prévention mis en place au CP, ainsi que la création de « programmes familiaux locaux », destinés à aider les parents qui ont besoin d’un soutien pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture.
Gilles de Robien (2005-2007) affirme que "les méthodes à départ global sont beaucoup moins efficaces que les méthodes à départ phono-synthétique ou syllabiques, et qu’elles sont même néfastes pour les enfants les plus fragiles" . Il décrète l'abandon de la méthode globale au profit de la syllabique.
Xavier Darcos (2007-2009) déplore les résultats d'une étude internationale : « Aujourd'hui, sur 40 pays, nous sommes dans les six derniers. Même la Bulgarie est devant nous » ! Il parle alors de recentrage des programmes en primaire pour se concentrer sur la maîtrise de la langue.
Luc Chatel (2009 - …) : « La lutte contre l’échec scolaire est une priorité » annonce t-il dès son arrivée...
Lourd défi à relever dans ce contexte de crise budgétaire et de poursuite de suppressions de postes...
 
A l'occasion du Salon du livre, le ministre a présenté le 29 mars dernier son plan de prévention de l’illettrisme. Insistant sur le fait qu'il « faut agir de manière précoce », à l'âge où les enfants s’approprient le langage, il lui paraît nécessaire :
- de faire un effort sur l’apprentissage méthodique du vocabulaire en vue de combler l’écart existant entre les enfants issus de milieux sociaux différents.
- de stimuler la mémoire par le biais de l’apprentissage de textes ou de chansons et d’installer les automatismes grâce au "par cœur", à la répétition et à la récitation (notamment pour les conjugaisons et les tables de multiplication).
- d'encourager le plaisir de lire sous toutes ses formes, notamment à voix haute.
Par ailleurs, le fléau étant un « phénomène social global », l'école n’assurera pas seule cette prévention, d'où la signature :
- d’une convention avec l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme avec pour objectif de mieux faire connaître les ressources de l’agence aux cadres du ministère, d’organiser des rencontres académiques et de mutualiser les bonnes pratiques.
- d’un protocole d’accord avec les mécènes de l’Association pour favoriser une école efficace qui permettra d'accompagner 3 000 élèves supplémentaires de CP issus de l’éducation prioritaire dans les académies de Créteil, Versailles et Lille. Il s’agit là encore de renforcer le lien entre l’Ecole et les familles, en matière d’apprentissage de la lecture.
- d’une déclaration d’intention avec la Ligue de l’enseignement dans le domaine de la prévention de l’illettrisme et de la promotion de la lecture, visant à développer les ateliers d’écriture, les résidences d’écrivains, les manifestations autour du livre.
« Si l’illettrisme est une réalité, ce n’est pas une fatalité. C’est une situation dont on peut et dont on doit sortir », conclue t-il.
A suivre…

Caroline Proust

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