En France, les pratiques de notation des enseignants sont généralement assujetties à la règle des trois tiers : il faut qu’il y ait un tiers de bons, un tiers de moyens et un tiers de mauvais élèves, y compris quand les objectifs de l’évaluation sont atteints par la grande majorité de ceux-ci. G […]

La chronique d'Yveline Jaboin : Mai 2006 - Un système d'évaluation pour lutter contre l'échec scolaire

Publiée le 01 mai 2006 dans la catégorie Archives


En France, les pratiques de notation des enseignants sont généralement assujetties à la règle des trois tiers : il faut qu’il y ait un tiers de bons, un tiers de moyens et un tiers de mauvais élèves, y compris quand les objectifs de l’évaluation sont atteints par la grande majorité de ceux-ci. Généralement, pour qu’une évaluation soit considérée comme crédible, une proportion importante des élèves doit se trouver en situation d’échec. Cela tient souvent aux barèmes de notation et au fait que les sujets des devoirs sont à la fois trop difficiles et trop longs.

Beaucoup d’enseignants justifient cette constante par le modèle de la courbe de Gauss, oubliant que cette loi statistique n’est vérifiée que lors de l’observation d’un grand nombre d’évènements indépendants, ce qui n’est évidemment pas le cas des notes attribuées à un contrôle. Partant de ce constat, André Antibi* et son « Mouvement contre la constante macabre », propose un système d’évaluation moins dévalorisant, moins démotivant, moins traumatisant qui permettrait de lutter contre le manque de confiance en eux des jeunes et la démobilisation, la rancune et l’agressivité des élèves en situation d’échec. Ce système, appelé « l’évaluation par contrat de confiance » (EPCC), est soutenu par de nombreuses organisations professionnelles (syndicats et mouvements pédagogiques) et par les principales associations de parents d’élèves de l’enseignement public comme de l’enseignement privé. Il peut être mis en œuvre dans toutes les disciplines et est expérimenté cette année par environ 500 enseignants auprès de 15000 élèves. Ayant reçu l’appui du ministre de l’Education nationale, l’EPCC entrera dans le plan de formation des enseignants dès la rentrée prochaine.

Dans ce système d’évaluation, il ne s’agit pas de sanctionner les élèves en leur posant des questions auxquelles ils ne savent pas répondre ce qui ne favorise ni leur progression ni leur motivation. Le contenu d’une épreuve ainsi que sa longueur doivent correspondre à un contrat clairement annoncé par l’enseignant, sans piège, pour que l’échec éventuel d’un élève ne soit plus ressenti comme une injustice. L’élève est informé du contenu de l’épreuve et s’y prépare. Les trois-quarts du devoir portent sur un « programme », choisi sur une liste d’exercices déjà corrigés en classe, et annoncé une semaine à l’avance par l’enseignant. Ce « programme » fait l’objet d’une séance d’échanges entre les élèves et le professeur en préalable à l’épreuve d’évaluation. En dehors de cette phase d’évaluation, le reste du temps scolaire peut être valorisé pour confronter les élèves à des obstacles et des problèmes nouveaux, ce qui est bien entendu nécessaire à la phase d’apprentissage.

Les premiers résultats de cette expérimentation paraissent encourageants. L’EPCC permettrait de réduire, sans la supprimer, la part des mauvaises notes, de responsabiliser les élèves et de les motiver, encouragés à travailler davantage puisque leurs efforts sont récompensés. Il y a et il y aura toujours des bons et des mauvais élèves, mais l’EPCC permettrait aux élèves travailleurs d’améliorer leurs résultats. Cette pratique novatrice, stimulante à la fois pour les élèves et pour les professeurs, passe évidemment par un changement des mentalités : aujourd’hui, rares sont les enseignants qui posent des questions auxquelles ils sont convaincus que tous les élèves sauront répondre ! Et, dans les conseils de classe, les professeurs ayant des classes dont la moyenne des notes obtenues par les élèves est élevée sont souvent considérés comme des enseignants laxistes !
 


* Professeur de mathématiques à l’Université Paul Sabatier à Toulouse et directeur de l’IREM (Institut de recherche sur l’enseignement des mathématiques), auteur de « La constante Macabre ou Comment a t-on découragé des générations d’élèves ? publié aux Editions Math’Adore en 2004.

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